En France, les couvertures vaccinales (CV) des nourrissons demeurent sous-optimales, notamment car quatre parents sur dix doutent de la sécurité et de l’efficacité des vaccins. Cette hésitation vaccinale (HV) contribue à une baisse des CV qui favorise elle-même la réémergence d’épidémies, comme celles de rougeole en 2008-2012 et 2018-2019. Le ministère chargé de la santé a donc décidé d’élargir l’obligation vaccinale à 11 vaccins de la petite enfance désormais requis pour entrer en collectivité pour les jeunes enfants. Cette mesure, entrée en vigueur en janvier 2018, semble avoir eu un effet positif sur les niveaux de CV. Mais une hésitation vaccinale persiste toujours chez 20 % de la population française. Il est donc fondamental d’accompagner les obligations vaccinales et d’évaluer des stratégies de restauration de la confiance des parents dans les vaccins, garante du succès à long terme de cette politique de santé.
L’entretien motivationnel (EM) correspond à un style de conversation collaboratif permettant de renforcer la motivation propre d’une personne et son engagement vers le changement. Dans le domaine de la vaccination, son efficacité pour restaurer la confiance, a été démontrée au Québec auprès des parents de nouveau-nés, approchés pendant la période d’hospitalisation post-partum, en maternité. Elle est, à l’heure actuelle, en cours de généralisation dans les maternités de la Province de Québec.
Le présent projet porte ainsi sur la restauration de la confiance des parents dans les vaccins de la petite enfance, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Son objectif principal est d’apporter la preuve de concept, dans le contexte français, qu’une intervention basée sur une stratégie éducative utilisant les techniques de l’entretien motivationnel auprès des parents permet de réduire l’hésitation vaccinale.
Pour répondre à l’objectif principal, un essai contrôlé randomisé multicentrique à unité de randomisation individuelle a été mis en œuvre pour comparer chez des mères ayant reçu l’intervention éducative et des mères ayant reçu un dépliant sur la vaccination. L’évolution de l’hésitation vaccinale était mesurée par une échelle validée renseignées à 3 temps : avant l’entretien ou la remise du dépliant (T0), juste après (T1), et environ 7 mois après (T2).
Formation et supervision des intervenants : la formation a été assurée conjointement par le Pr Arnaud Gagneur (Université de Sherbrooke) et Patrick Berthiaume (Les Formations Perspective Santé).
Elle comprenait les éléments suivants :
- Une formation aux principes fondamentaux de la vaccination et au calendrier vaccinal des nourrissons ;
- Une formation initiale aux principes fondamentaux de l’EM (esprit, processus et savoir-faire), et à la pratique de l’EM dans le domaine de l’immunisation : il s’agissait d’adapter cette approche au niveau de l’hésitation vaccinale des parents et d’être en mesure de retenir les principaux messages au sujet des vaccins des nourrissons et de les restituer aux parents dans un langage accessible.
A la suite de cette formation initiale, une supervision a été organisée afin de s’assurer de la qualité constante des interventions.
La formation initiale des sages-femmes (n=3) a été réalisée en octobre 2021 (puis séances de coachings en décembre et janvier 2022). Le recueil des données a duré de novembre 2021 à décembre 2022. 736 mères (ou couples) ont été recrutées (365 dans le bras intervention et 371 dans le bras témoin), dont 407 (55%) ont répondu aux 3 temps de mesure. En T1, les résultats indiquent, dans le groupe entretien motivationnel, une baisse de l’hésitation vaccinale de 33 % (15 % chez les témoins) et une augmentation de l’intention de faire vacciner son nourrisson avec certitude de 8 % (pas d’augmentation chez les témoins). Les résultats indiquent aussi un impact de l’entretien motivationnel plus important chez les personnes défavorisées. Les taux de satisfaction des participantes quant aux entretiens sont très élevés, tant du point de vue du contenu que de la forme. A 7 mois, les effets se maintiennent. Des travaux sont en cours pour réfléchir au déploiement de cette intervention.
Ces résultats ont été publiés dans la revue Eurosurveillance et dans la revue Contact Sages-Femmes en septembre 2023. Ce projet a été inscrit au Registre des interventions efficaces/prometteuses en prévention et promotion de la santé (rubrique Vaccination) piloté par Santé publique France.