Au printemps 2020, les mesures de confinement prises pour endiguer la pandémie de COVID-19 ont eu un impact sociétal très important, qui reste encore à analyser sur de nombreux aspects. Cet impact a été particulièrement marqué pour les populations les plus fragiles, dont les jeunes adultes en particulier, qu’ils poursuivent des études ou non. A l’automne 2020, les conditions de vie des uns et des autres restent encore fortement perturbées par les mesures de prévention. Pour beaucoup de jeunes adultes, c’est leur insertion même sur le marché du travail qui est compromise. Pour les étudiants, l’acquisition de savoirs et de compétences est mise en péril. Plus généralement, la gestion de cette crise sanitaire induit des incertitudes et inquiétudes vis-à-vis de l’avenir auxquelles les jeunes sont sans doute particulièrement sensibles.
Les objectifs de ce projet se situent à plusieurs niveaux : 1) Il s’agit avant tout d’analyser la manière dont la crise sanitaire affecte les conditions de vie, d’études et/ou de travail des jeunes. On se penchera notamment sur la dégradation de leur condition économique, telle qu’elle se manifeste à travers le niveau de revenus, la dépendance plus ou moins prolongée à l’égard de leur famille, ou encore les problèmes auxquels ils peuvent être confrontés concernant l’accès aux études supérieures, à un logement indépendant ou à un emploi stable. 2) étudier les attitudes et croyances des jeunes à l’égard de la pandémie de COVID-19 et de sa gestion par les pouvoirs publics. On s’interrogera sur la manière dont s’élaborent les représentations au sujet du virus et des risques qui lui sont liés, en particulier le rôle des médias. Corrélativement, il s’agira aussi d’explorer comment ils perçoivent et respectent les mesures de prévention (confinement, mise en quatorzaine, port du masque…). 3) Notre travail portera enfin sur les effets de la crise sur la santé mentale et le bien-être des jeunes. Le confinement a considérablement pesé sur l’équilibre psychique de cette population : l’augmentation considérable des troubles du sommeil chez les jeunes en constitue un symptôme. On s’attachera donc à suivre dans la durée l’évolution de la santé mentale des jeunes, appréhendée notamment à travers les troubles du sommeil, les symptômes anxieux ou dépressifs, les sentiments d’isolement ou de détresse…
Ce projet porte sur les jeunes adultes, définis ici comme l’ensemble des personnes âgées de 18 à 34 ans. Notre approche méthodologique sera mixte, articulant l’analyse de données quantitatives, recueillies par questionnaires passés en ligne, avec des données qualitatives, issues d’entretiens semi-directifs approfondis. Pour les deux types de données, nous exploiterons des données déjà existantes ou en cours de recueil (neuf vagues d’enquêtes quantitatives du projet COCONEL (présenté dans notre rapport d'activité 2021-2022) pendant et après le confinement, entretiens avec des jeunes adultes, étudiants ou non, avant/pendant/après le confinement). En 2023, nous réaliserons également une enquête quantitative auprès de la population concernée.
Un chapitre est paru début 2022 dans un ouvrage collectif, deux articles ont été acceptés dans les revues Sociologie et Agora Débats Jeunesse (analyse des entretiens qualitatifs). Les résultats montrent que l’impact du premier confinement sur la santé mentale a été plus fort et plus durable parmi les 18-30 ans, et qu’il est associé aux difficultés matérielles et relationnelles induites par le confinement, tandis que parmi les plus âgés c’est d’abord la crainte du virus qui a nourri l’anxiété. La crise sanitaire a fragilisé ainsi les catégories les plus vulnérables de la population étudiante et mis en lumière les limites du système familialiste de protection sociale, qui laisse dans ses marges les jeunes les plus fragiles et les plus isolés. L’enquête quantitative, conduite au printemps 2023, est en cours d’analyse avec nos collègues de Santé Publique France. Les premiers résultats soulignent la rémanence des effets délétères perçus de la crise, en particulier sur les plans socioaffectif et professionnel, et la persistance d’une dégradation de la santé mentale des jeunes adultes.