En France, la question des personnes Trans est encore un sujet tabou, très mal documenté. Même si des avancées ont été réalisées d’un point de vue administratif et juridique, il reste encore beaucoup d’inconnues quant à leur situation d’un point de vue sanitaire et social. Actuellement, il n’existe pas de données précises sur le nombre de personnes Trans en France et sur leurs caractéristiques socio-démographiques. L’absence de ces données maintient leur invisibilité dans la vie sociale et contribue à leur stigmatisation. Etre une personne Trans dans notre société renvoie à de nombreuses barrières sociales qui, pour les personnes Trans séropositives, se cumulent probablement de surcroît au poids de l’infection à VIH. Malgré les avancées en terme de prévention, dépistage, et traitement, le retentissement de la maladie VIH reste toujours très présent dans la vie des personnes séropositives. Nous savons, qu’encore aujourd’hui, les personnes vivant avec le VIH sont marquées par de multiples formes de discrimination qui entravent l’accomplissement de leur projet de vie. Les questions liées au vécu et à l’impact de la séropositivité chez les personnes Trans reste encore très peu étudié.
L’objectif principal de cette recherche est d’identifier les situations de vulnérabilités, personnelle et sociale, des personnes trans vivant avec le VIH, les obstacles à leur prise en charge médicale et leurs besoins de santé.
Le projet Trans&VIH est basé sur une enquête nationale exhaustive auprès de l’ensemble des personnes trans séropositives suivies dans 53 services VIH en France. Ce projet, construit à l'issue du contrat d'initiation Trans&VIH ANRS 95040, est une recherche communautaire dont le caractère innovant repose à la fois sur son objectif, qui nous permettra de mieux connaitre une population jusque-là invisible et ses besoins en matière de santé, et sur sa méthodologie qui associe des personnes trans séropositives à toutes les étapes du projet. L’enquête sera composée de deux volets (quantitatif et qualitatif) ; le volet quantitatif permettra de recueillir les informations socio-comportementales sur les M to-F (Masculin vers Féminin) (n=762) à l’aide d’un questionnaire et d’une grille biographique, des informations médicales (fiche médicale), des données sur les services hospitaliers notamment à propos des ressources techniques et humaines (fiche centre). Le volet qualitatif permettra, lui, de recueillir des informations fines auprès des quelques F-to-M (Féminin vers Masculin) séropositifs (n=13) identifiés dans ces mêmes services.
La collecte de données s’est terminée en juillet 2022. Au total, 232 centres ont été contactés. 54 centres ont déclaré suivre au moins une personne Trans. Parmi les 42 centres ayant eu une mise en place, 36 centres ont inclus au moins une personne. Sur les 777 personnes Trans suivies dans les 36 centres participants, 536 ont répondu à l’enquête et 506 ont eu 3 questionnaires complets. Elles ont 43 ans en médiane et sont pour 86% d’origine étrangère.
Les premiers résultats permettent de montrer que près des deux tiers des personnes interrogées ont été diagnostiquées séropositives après avoir migré de leur pays d'origine, soit en France, soit dans d'autres pays européens. Malgré la grande précarité de la situation sociale en France, l'accès aux soins pour les personnes vivant avec le VIH est relativement bon, mais la prévalence des tentatives de suicide est préoccupante. De plus, l'accès aux droits des femmes n'est pas assuré. Des analyses complémentaires sont en cours permettant de décrire le profil des personnes trans ayant subi des violences, ainsi que l’état dépressif au moment de l’enquête.