La vaccination annuelle contre la grippe est recommandée pour les personnes à risque de complications (de 65 ans et plus, et de moins de 65 ans avec certaines maladies chroniques graves…). Les couvertures vaccinales (CV) dans ces groupes restent largement inférieures à l’objectif de 75 % fixé dans la loi de santé publique de 2004 et ont baissé depuis la campagne de vaccination contre la pandémie A/H1N1 en 2009. La plupart des études sur les facteurs associés à la vaccination antigrippale sont transversales et n’apportent pas de connaissances sur l’évolution et la stabilité des comportements individuels de vaccination au cours du temps (trajectoires). De telles connaissances permettraient de mieux comprendre les étapes d’adoption ou de modification des comportements de vaccination et de mieux cibler les interventions visant à améliorer les CV.
Déterminer des typologies, dans les populations ciblées par la vaccination contre la grippe saisonnière, en fonction de la régularité de leur comportement de vaccination contre cette maladie. Analyser les facteurs associés au fait d’interrompre ou d'initier une vaccination antigrippale (caractéristiques individuelles des personnes, telles qu’elles peuvent être appréhendées dans les données du Système National d’Information Interrégimes d’Assurance Maladie, événements de morbidité ou de recours aux soins).
Les analyses exploitent les données de l’Echantillon Généraliste des Bénéficiaires (EGB) de l’Assurance maladie. Les analyses se limitent au seul régime général afin d’assurer une période de suivi la plus longue possible, soit 10 saisons vaccinales consécutives (2006/07 à 2015/16). La vaccination antigrippale est estimée via les données de remboursements de vaccins. Les personnes souffrant d’une maladie chronique ciblée par les recommandations sont identifiées à partir des données d’affections de longue durée, hospitalisations, remboursements de médicaments et d’actes de biologie selon des algorithmes adaptés de la "cartographie des pathologies" publiée par la CNAM. Plusieurs types d’analyses statistiques ont été mis en œuvre : i) modèles de type "Generalised Estimating Equation" de régressions log-binomiales segmentées pour étudier l’évolution des couvertures vaccinales et l’impact d’événements spécifiques ; ii) "group-based trajectory models" (analyses de trajectoires) pour étudier les typologies de comportements ; iii) "modèles multi-états" pour étudier les dynamiques de comportements et les probabilités de changements ou de maintien de comportement de vaccination.
Le projet est achevé depuis fin 2018. Sur l’ensemble de la période étudiée, les CV sont restées largement inférieures à l’objectif de santé publique (en 2015/16 : 48 % chez les personnes de 65 ans ou plus ; de 16 % à 29 % chez les moins de 65 ans selon la pathologie). Selon les analyses de trajectoires menées dans les deux groupes à risque les plus représentés (diabète et maladies respiratoires), les comportements de vaccination et de non vaccination sont majoritairement stables (environ 1/3 des personnes souffrant de diabète se sont vaccinées quasiment à chaque saison vaccinale et 1/3 quasiment jamais). Mais les résultats suggèrent que la pandémie A(H1N1) de 2009 (et les controverses associées à la campagne de vaccination de masse organisée pour y répondre) ont conduit à des abandons de la vaccination antigrippale (baisse des CV de 12 à 25 % selon les groupes après 2009). Les résultats montrent également un abandon progressif de la vaccination au cours du suivi chez les patients les plus âgés, pouvant refléter les doutes des patients, de leur entourage familial et/ou des professionnels de santé concernant les bénéfices de cette vaccination chez les patients très âgés. A l’inverse, certains évènements favorisent l’adoption de la vaccination antigrippale : dégradation de l’état de santé, contact régulier avec les professionnels de santé. Ces résultats incitent à privilégier des stratégies de promotion de la vaccination adaptées aux différents profils de patients. Une simplification du circuit vaccinal pour l’ensemble des personnes ciblées par les recommandations (et pas uniquement pour celles recevant un coupon de prise en charge à 100 % du vaccin) pourrait permettre une meilleure couverture vaccinale. Ces résultats ont donné lieu à plusieurs publications et communications dans des congrès internationaux. Une synthèse plus complète est disponible sur le site internet de l’ORS.