D’après les premières estimations issues de l’enquête CARe-Ménages de 2015, 4 à 10 % (0,4 à 1,5 million) des personnes âgées de 60 ans ou plus vivant en domicile ordinaire auraient besoin d’aide pour la réalisation des activités de la vie courante, dont 220 000 à 260 000 seraient en perte sévère d’autonomie. En institution, 86 % des personnes de 75 ans ou plus seraient également dépendantes (soit 370 000 personnes, dont 221 000 sévèrement). A l’horizon 2060, la part des personnes âgées de 60 ans ou plus devrait atteindre 32,1% de la population totale (dont la moitié âgée de 75 ans ou plus) et 34,5 % en 2070. Il y aurait alors 1,7 personne de moins de 65 ans, disponible pour une personne âgée de 65 ans ou plus, contre 3,7 en 2000. C’est dire la tension probable sur l’offre disponible d’aide aux personnes âgées évoluant vers la perte d’autonomie à laquelle la France sera confrontée d’ici un demi-siècle.
Le projet de recherche est organisé autour de trois objectifs : 1/ mesurer les besoins d’aide pour la réalisation des activités de la vie quotidienne chez des personnes âgées de 75 ans et plus ; 2/ quantifier et qualifier l’aide reçue pour la réalisation des activités de la vie quotidienne ; 3/ mesurer la satisfaction des besoins d’aide (besoins satisfaits ou non-satisfaits) ;
et de deux axes de problématisation visant à : 1/ dissocier les facteurs explicatifs de l’hétérogénéité des situations de perte d’autonomie et de compensation de la perte d’autonomie, en soulignant le rôle discriminant des dispositifs publics pouvant induire des phénomènes de non-demande de droits, effets de seuil et reste à charge ; 2/ identifier et contrôler les biais d’estimation liés au mode de recueil de l’information (notamment lorsqu’on fait appel à un répondant proxy (un tiers) pour répondre à la place de la personne enquêtée) et les effets de traitement dans les enquêtes sur la santé en population générale.
Le projet de recherche propose un modèle original d’estimation conjointe des besoins d’aide et de leur satisfaction tenant compte des erreurs de mesures liées aux modalités de recueil de l’information. Il inclut des estimations en population générale de la prévalence des besoins d’aide pour les différentes activités de la vie courante et leur satisfaction ; il analyse la composition de l’aide reçue par les individus (aide formelle, informelle, ou mixte) dont des évaluations macroéconomiques horaires et monétaires sont proposées. Les analyses statistiques et économétriques exploitent les données des enquêtes CARe-Seniors (Capacités, Aides et Ressources) en ménage ordinaire et en institution. Des modèles d’apprentissage automatique (machin learning) sont également utilisés pour estimer, à l’échelle de l’enquête CARe et de la population française, la prévalence des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées.
Il existe une forte endogénéité du recours à un répondant proxy lors de la déclaration de besoins d’aide pour la réalisation des activités de la vie quotidienne. Recourir à une tierce personne pour aider ou remplacer un sujet âgé dans l’incapacité de répondre seul serait fortement lié à l’état de santé de ce dernier. Les répondants proxy auraient ainsi tendance à déclarer plus fréquemment des besoins d’aide et en quantité plus importante mais seraient moins susceptibles d’évoquer des besoins non-satisfaits. Les aidants proches, le plus souvent répondants proxy, augmenteraient la valeur de leur contribution d’aidants en exagérant le nombre de besoins d’aide qu’ils satisfont et en minorant leur incapacité à les satisfaire.
De plus, les méthodes de classification des individus à base de forêts aléatoires mises en œuvre pour identifier de possibles cas d’Alzheimer non déclarés par les personnes interrogées dans l’enquête, aident à identifier, à l’échelle de la population française, près de 100 000 cas supplémentaires à ajouter aux 399 000 spontanément identifiables à partir des enquêtes CARe-Seniors ménages et institutions.
30,7 % des plus de 75 ans à domicile manifestent un besoin d‘aide pour la réalisation d’au moins une activité de la vie quotidienne (soit 1,6 million d’individus), en regard duquel 10 % reçoivent de l’aide de leur entourage exclusivement, 3,9 % d’intervenants professionnels exclusivement, 14 % reçoivent les deux types d’aide et 2,8 % ne reçoivent aucune aide. La composition de l’aide semble varier en fonction du sexe et de l’âge des individus, de leur degré d’autonomie, des ressources sociofamiliales (conjoint, parents, enfants), intellectuelles (niveau d’éducation) et financières mobilisables.
Enfin, le nombre d’heures d‘aide reçue par les personnes âgées de 75 ans et plus varie, entre autres variables, selon l’âge, le statut marital, l’existence d’enfants et du nombre de besoins d’aide pour les activités de la vie quotidienne. Au total, ce sont plus de 240 millions d’heures mensuelles qui seraient apportées, dont 185 millions d’aide informelle (77% du total) qui à elle seule représente 1,3 million d’emplois équivalents temps plein à l’année et un montant monétaire de l’ordre de 26 milliards d’euro annuels.