Depuis 2011, de nouveaux traitements, beaucoup plus efficaces et beaucoup mieux tolérés que les précédents, sont utilisés pour traiter l’hépatite C. En 2016, la Ministre de la Santé a annoncé son engagement en faveur de l’accès universel à ces nouveaux traitements, les antiviraux à action directe (AAD), afin de pouvoir traiter le maximum de personnes atteintes. Les usagers de drogues injectables sont particulièrement exposés au virus de l’hépatite C (VHC), avec un taux de séropositivité de 60%, mais demeurent insuffisamment dépistés et/ou traités une fois dépistés. Il est particulièrement important de connaître la proportion d’usagers dépistés mais incorrectement pris en charge, et d’identifier les facteurs sociodémographiques et médicaux les caractérisant, afin d’ajuster secondairement les politiques de santé publique pour favoriser l’orientation de ces individus vers un traitement adapté. Idéalement, les études portant sur ces populations devraient être longitudinales, afin de voir si les ajustements des politiques de santé portent leurs fruits.
En France, la très grande majorité des usagers de drogues opioïdes reçoivent au moins ponctuellement une prescription de médicament de substitution aux opioïdes (MSO). L’étude FANTASIO utilise la base de données exhaustives de l’assurance maladie (SNIIRAM) afin d’identifier les usagers d’opioïdes grâce aux délivrances de MSO. L’objectif principal est d’estimer la proportion d’usagers ayant reçu un traitement anti-VHC parmi ceux présentant une hépatite C chronique. Les objectifs secondaires visent à identifier les facteurs liés à l’absence de traitement anti-VHC chez les usagers avec hépatite C chronique, à l’aide de variables individuelles (ex : sexe, âge) et structurelles (i.e. caractéristiques de l’offre de soins au niveau départemental, par ex. nombre d’hépatologues pour 100 000 habitants).
La base de données du Datamart de Consommation Inter Régimes (DCIR) de l’Assurance Maladie contient l’ensemble des informations pseudonymisées issues du Système National d'Information Inter-Régimes de l'Assurance Maladie (SNIIRAM) et les données du Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information (PMSI). Au sein du DCIR, les individus ayant bénéficié d’au moins une prescription de MSO entre 2012 et 2016 ont été identifiés. Parmi eux, les individus avec une infection chronique par le VHC ont été repérés via un algorithme standard (code CIM-10 VHC chronique pour hospitalisation ou ALD ou au moins une délivrance de traitement anti-VHC). Des modèles de régression logistique et des modèles de survie (Cox à temps discret) ont été utilisés afin d’identifier les facteurs individuels associés à l’accès au traitement anti-VHC (sexe, troubles liés à l’usage d’alcool). Des modèles de régression multiniveaux ont été utilisés afin d’évaluer les facteurs structurels associés à l’accès.
Les résultats de FANTASIO montrent que les troubles liés à l’usage d’alcool non traités demeurent une barrière à l’accès au traitement anti-VHC chez les usagers de drogues en France, et que l’arrivée des AAD a permis de lever partiellement cette barrière (article publié dans Addiction). Les analyses montrent également des inégalités de genre dans l’accès au traitement anti-VHC chez les usagers de drogues en France, avec un accès moindre pour les femmes par rapport aux hommes (article publié dans International Journal of Drug Policy). Enfin, nous avons pu également montrer un accès au traitement moindre pour les usagers résidant dans des départements avec moins de 7 hépatologues pour 100 000 habitants (lettre publiée dans Liver International). Dans la suite du projet (FANTASIO 2), nous nous intéresserons aux facteurs individuels et structurels pouvant expliquer ces différences d’accès chez les usagers de drogues, et nous étudierons les déterminants de l’accès aux traitements dans d’autres populations (par exemple patients avec comorbidités virales ou troubles psychiatriques, personnes âgées).