La co-infection par le virus de l’hépatite C (VHC) est l’une des principales causes de morbidité et de mortalité chez les patients infectés par le VIH dans les pays où ces patients ont accès aux multi thérapies antirétrovirales. Aujourd’hui, les nouveaux traitements de l’hépatite C (antiviraux à action directe : AAD) permettent de guérir la quasi-totalité des patients. Cependant, la persistance de comorbidités post-guérison (e.g. troubles psychiatriques, troubles métaboliques, etc.) et le risque de réinfection par le VHC demeurent des enjeux pour la recherche en santé publique dans le domaine de l’hépatite C.
La cohorte ANRS CO13 HEPAVIH regroupe des patients co-infectés par le VIH et le VHC et a pour objectif de mieux caractériser leur prise en charge et leur vécu d’une double séropositivité. Les données recueillies permettent d’identifier les facteurs socio-comportementaux associés à l’évolution clinique et à la mortalité dans cette population.
1859 patients ont été inclus dans la cohorte entre octobre 2005 et mars 2016 dans 29 centres cliniques de France métropolitaine (3 phases d’inclusion distinctes). Des données cliniques, démographiques et socio-comportementales sont recueillies à l’inclusion et tout au long du suivi (jusqu’en 2022). Les données socio-comportementales collectées incluent notamment des informations sur la situation affective et sociale des patients, leur usage de drogues, de tabac, leur consommation d’alcool, leur perception de la prise en charge du VHC, leur qualité de vie, leur observance aux traitements, leurs symptômes dépressifs, etc., et sont mesurées de façon longitudinale à l’aide de questionnaires auto-administrés.
En 2021, nous nous sommes intéressés au vécu des patients co-infectés traités et guéris du VHC. Nous avons analysé les changements perçus après la guérison de l’hépatite C sur le plan de la santé mentale, de l’usage de substances psychoactives (notamment tabac, alcool, cannabis), de l’activité physique, des comportements alimentaires et de la fatigue perçue. Les résultats ont montré une pluralité de profils et des vécus parmi les patients guéris et le retentissement positif de la guérison sur la vie quotidienne (article publié dans Journal of Viral Hepatitis). Nos travaux de recherche ont également porté sur les symptômes dépressifs à l’ère de la guérison du VHC. Les résultats montrent une prévalence élevée des symptômes dépressifs dans cette population malgré la guérison du VHC, sans diminution avec l’âge, contrairement à ce qui est observé en population générale, confirmant la nécessité de proposer une prise en charge globale, incluant la santé mentale, à ces patients (résultats présentés à International Workshop on HIV & Aging en 2021). Concernant les facteurs comportementaux associés aux symptômes dépressifs, nos analyses ont démontré une association avec la consommation d’alcool à risque et une alimentation déséquilibrée, mettant ainsi également en évidence l’intérêt d’une prise en charge multidisciplinaire pour diminuer les facteurs de risque de comorbidités en agissant sur les comportements addictifs et de santé (résultats présentés à l’AFRAVIH 2022). Concernant l’évolution de l’usage du cannabis après la guérison du VHC, nos résultats suggèrent que la guérison pourrait constituer un moment propice dans le parcours des patients co-infectés pour initier une prise en charge globale des comportements addictifs et pour favoriser l’adoption de comportements favorables à la santé (article soumis à Substance Use & Misuse). Enfin, nous avons effectué des travaux sur l’usage de la cigarette électronique chez les fumeurs qui suggèrent un usage faible de la cigarette électronique dans cette population, malgré les bénéfices connus de ce dispositif pour l’aide à l’arrêt du tabac (lettre publiée dans International Journal of Drug Policy). Nous poursuivons l’analyse des données du volet socio-comportemental de la cohorte HEPAVIH, qui permettront de mieux comprendre les problématiques de santé des patients co-infectés après leur guérison de l’hépatite C, et notamment d’identifier des facteurs de risque d’évolution des comorbidités, modifiables grâce à une adaptation des comportements.