Face à l’épidémie de Covid-19, plusieurs pays dont la France ont incité les personnes âgées à se confiner et à respecter des mesures de distanciation sociale. Suite à ces mesures, de nombreux chercheurs et acteurs ont alerté sur les conséquences négatives que l’isolement social pouvait avoir sur la santé mentale et physique des personnes âgées, et ce de façon encore plus marquée chez les personnes âgées seules, n’ayant pas de famille/amis proches ou dépendant de structures sociales. Dans un tel contexte, il est indispensable de mettre en place des actions pour limiter les effets délétères du confinement. Des appels téléphoniques réguliers auprès des personnes âgées représentent une solution assez simple pour rester en contact avec les personnes âgées et leur apporter du support social. Des outils basés sur les nouvelles technologies ont aussi émergé mais ces solutions se heurtent à des disparités dans l’accès à ces nouvelles technologies.
Face à ces enjeux, la Caisse d’Assurance Retraite et de la Santé au Travail (Carsat) Sud-Est a lancé le 14 avril 2020 une campagne d’appels téléphoniques afin de contacter les retraités en situation d’isolement dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse (dispositif coordonné par la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse au niveau national). Au-delà du maintien du lien social, ces appels visent principalement, à travers une écoute active, à recueillir les inquiétudes des retraités, détecter les situations à risques et, en cas de détresse avérée, orienter la personne vers des services spécifiques.
Dans le cadre du dispositif d’appels mis en place par la Carsat Sud-Est, l’objectif général du projet COROLES (COROnavirus et LiEn Social) est de documenter le déroulement de la campagne d’appels. Ses objectifs spécifiques sont :
- d’explorer la façon dont les professionnels de la CARSAT qui passaient les appels (« les appelants ») ont vécu cette démarche et de comprendre les difficultés rencontrées par les personnes âgées isolées (« les appelés ») dans ce contexte.
Le projet COROLES a reposé sur la réalisation d’une enquête qualitative par entretiens directifs réalisés par téléphone auprès de 19 appelants.
Concernant les appelants, il ressort de cette étude que la totalité des professionnels ont apprécié de prendre part à cette campagne. Ils ont perçu cette activité comme utile et porteuse de sens. L’utilité s’exprimait à différents niveaux : au niveau personnel, avec le sentiment d’avoir pu apporter une aide (même si certains appelants ont eu l’impression que leur marge de manœuvre pour venir en aide aux appelés était plutôt faible) ; au niveau professionnel, grâce à une meilleure compréhension des attentes des retraités à l’issue de la campagne ; et, enfin, au niveau institutionnel, par la valorisation de l’image de la CARSAT résultant de cette initiative. Les appelants ont cependant observé que le démarrage de cette campagne dans l’urgence n’a pas permis la création d’outils efficients pour faciliter la conduite des appels et la remontée des informations recueillies. Plusieurs suggestions ont été formulées par les appelants pour améliorer le dispositif, comme par exemple : organiser cette activité uniquement sur des temps courts afin de ne pas « saturer » les appelants ; créer des outils plus conviviaux pour faciliter la remontée d’informations ; ou encore établir plus de liens, voire des dossiers partagés, avec les partenaires de la CARSAT (milieu associatif de l’habitat, de l’aide à domicile…) pour avoir de meilleures informations sur les appelés et ainsi mieux préparer les appels. Globalement, les retraités ont été perçus comme allant plutôt bien. Si la majorité des besoins de première nécessité (courses, approvisionnement en médicaments…) ont été couverts grâce à une forte mobilisation familiale et associative, l’isolement physique, le manque de contact avec la famille se sont avérés plus difficiles à supporter. Pour certains retraités, la suspension des aides-ménagères a aussi contribué à renforcer cette situation d’isolement. Par ailleurs, certains appelants ont constaté que l’importante diminution de l’activité physique induite par le confinement a entraîné une dégradation de l’autonomie et de la qualité de vie chez ces personnes âgées. Si la période de confinement a été plutôt bien supportée par les seniors, la levée des mesures de restriction des déplacements a impliqué plus de difficultés pour certains : la fin de la mobilisation associative (sans reprise systématique des dispositifs ordinaires) couplée à l’injonction faite aux seniors de rester plus vigilants a participé à augmenter leur lassitude et leur sentiment de solitude. L’ensemble des résultats est disponible dans un rapport sur le site de l’ORS.