Le partage du statut sérologique représente une problématique cruciale pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Les bénéfices du partage peuvent être significatifs, mais de nombreuses conséquences négatives ont également été documentées. À cela s’ajoutent les rapports de genre - en particulier au Mali, où les femmes sont dépendantes économiquement et ont un pouvoir limité dans les prises de décision; ainsi que la législation malienne qui, depuis 2006, oblige les PVVIH à partager leur statut avec leur conjoint/partenaire(s) sexuel(s) dans les 6 semaines suivant le diagnostic. En pratique, cette loi est peu appliquée, mais elle soulève le caractère sensible de ces enjeux et génère des craintes parmi les personnes concernées. Pour accompagner les FVVIH, un programme de renforcement des capacités (Gundo-So) a été mis en place par ARCAD-SIDA et ses partenaires. Ce programme vise à outiller les FVVIH afin qu’elles puissent prendre des décisions éclairées sur le partage ou le secret dans leurs différents contextes de vie et qu’elles identifient des stratégies à mettre en oeuvre selon leur décision de partage/secret, ainsi que pour en gérer les conséquences. Issu d’un programme québécois, Gundo-So a été mis en place au Mali en 3 étapes : 1) adaptation culturelle ; 2) validation par une évaluation pré-post intervention ; 3) implémentation dans d’autres sites d’ARCAD-SIDA. Afin d’évaluer ses effets à court et moyen termes et de comprendre les mécanismes sous-jacents, une méthodologie d’évaluation globale est désormais indispensable. Entre septembre 2015 et juin 2016, un contrat d’initiation, réalisé dans une approche de recherche communautaire, a permis aux équipes impliquées d’identifier collectivement un design de recherche évaluative optimal, incluant les aspects opérationnels ainsi que les indicateurs d’évaluation.
Evaluer les effets, à court et moyen termes, d’un programme de renforcement de capacités portant sur la gestion du statut sérologique pour les femmes vivant avec le VIH (FVVIH) au Mali, sur le "poids du secret".
L’évaluation prendra la forme d’un essai randomisé à deux bras : un bras immédiat (G1) et un bras différé (G2), permettant une comparaison inter-bras et intra-bras. Le bras différé constituera le groupe témoin. Au total, 224 FVVIH âgées de 18 ans et plus, diagnostiquées depuis ≥6 mois et <5 ans seront recrutées lors de leur rendez-vous de suivi médical habituel dans un des 6 sites de prise en charge d’ARCAD-SIDA à Bamako retenus pour l’étude. Une enquêtrice effectuera, en utilisant une approche biographique, un premier bilan quant aux événements liés au partage du statut sérologique depuis le diagnostic avec chaque participante. Après une prise en charge de routine de 3 mois, les participantes seront allouées à un groupe de 8 femmes. Selon qu’il soit G1 ou G2, le groupe débutera le programme Gundo-So ou bénéficiera d’une prise en charge de routine pendant 3 mois supplémentaires, avant de participer à son tour au programme. Le suivi post-intervention s’étendra sur 9 mois.
240 femmes vivant avec le VIH (FVVIH) ont participé à l'étude. L'âge médian était de 32,9 ans. 80,4 % n'avaient aucun niveau d'éducation ou un faible niveau, 35,4 % n'avaient aucune activité génératrice de revenus, 56,7 % déclaraient avoir une situation financière difficile ou très difficile. 67,9 % des participants déclaraient être mariés ou en cohabitation et 54,6 % déclaraient avoir 3 enfants ou plus. Concernant le statut sérologique du VIH, il y a une méconnaissance importante du statut parmi l’entourage : 54,6 % des participantes déclaraient qu’aucun membre de leur famille n'était au courant, 95 % qu’aucun de leurs amis n'était au courant. De plus, 82,5 % des FVVIH ont déclaré avoir interrompu leur traitement ARV (TARV) pendant plus de 2 jours au cours des 4 semaines précédant l’inclusion, bien que seulement 21,3 % aient déclaré que la prise de TARV était facile. Parmi les 240 participantes, 85,4 % ont déclaré que leur dernière charge virale était indétectable. Enfin, 45,4 % ont déclaré être insatisfaites de leur vie sexuelle, 25 % des personnes ayant besoin d'un soutien matériel ne l'ont pas reçu et 28,8 % ont déclaré se sentir seules.