En France, selon la synthèse thématique sur l’alcool publiée par l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) en 2015 sur la base des données du Baromètre Santé de Santé Publique France, on dénombre 3,4 millions de personnes (parmi les 18 à 75 ans) présentant une consommation nocive d’alcool et 10% des personnes interrogées déclarent boire quotidiennement de l’alcool. Bien qu’il existe actuellement un large éventail d’approches thérapeutiques, les personnes ayant une consommation nocive d’alcool recevant une prise en charge ou un suivi adapté représentent une faible proportion de celles qui devraient en bénéficier.
Indépendamment de la prise en charge de leurs usages d'alcool, les personnes consommatrices d’alcool ont des besoins en matière de santé globale souvent supérieurs à la population générale mais se heurtent à des mécanismes limitant justement leurs accès à la santé et au soin, accès conditionné trop souvent au traitement préalable de leur "problème d'alcool". Face à cette situation, l’association Santé ! part du postulat qu'il convient d'accompagner, de "protéger" et de "sécuriser" les pratiques de consommation d'alcool lorsque celles-ci ne peuvent être modifiées.
Le présent projet vise à évaluer une intervention menée à Marseille par l'association Santé ! dans le cadre d’un dispositif d'appui innovant et spécialisé composé d'une équipe d’intervenants formés à la démarche de Réduction des Risques liés aux usages d’alcool. Cette équipe est chargée de venir en soutien aux usagers en situation de rupture, d’échec ou de retard de soins.
Objectif de l’intervention : Faciliter les parcours de santé des personnes consommatrices d'alcool en proposant des trajectoires de santé opérantes et adaptées aux usages, en accompagnant et en orientant les pratiques des professionnels de tous secteurs sur les questions d'usages d'alcool dans le but de mieux prendre en charge les personnes concernées.
Objectif du projet : Identifier et caractériser les étapes et le déroulement de l’intervention afin d’assurer également sa transférabilité dans le futur.
Il s’agit d’une étude transversale qualitative auprès des bénéficiaires de l’intervention menée par l’association Santé !.
Travail de recueil et synthèse : Un travail sur les archives de l’association est effectué pour récupérer les informations sur les parcours de santé des personnes ayant bénéficié de l’intervention. La recherche se déroulera sur Marseille.
Enquête qualitative : Elle sera conduite par le biais d’entretiens semi-directifs où seront abordés différents thèmes liés à la consommation d’alcool de la personne.
La totalité des données qualitatives (2 focus groupes auprès des bénéficiaires et 9 entretiens individuels semi-dirigés auprès des partenaires) et quantitatives (archives de l’association) ont été récoltées.
Les entretiens ont montré que les principaux motifs d’orientation vers l’association étaient la recherche d’un accompagnement global et adapté pour les personnes en difficultés avec l’alcool et en rupture de soins. L’analyse des cas a permis de mieux caractériser les composantes de l’intervention et le devenir des personnes bénéficiaires. L’intervention se décompose en 3 temps forts, une phase d’accueil, d’adhésion et d’identification des risques et problématiques, une phase de sécurisation, et enfin un travail sur les consommations. A la suite de l’intervention, certains usagers sortent du programme pour aller vers les soins classiques, d’autres sont perdus de vue. Le travail sur les représentations des usagers, réalisé via les focus groupes, a montré que les usagers apprécient l’attitude non stigmatisante sur l’alcool et la prise en charge globale proposées par l’association. Les analyses quantitatives ont mis en évidence que l’intervention est efficace sur les problèmes de manque et agit positivement sur la sécurisation des risques, l’alimentation, la qualité du sommeil et le bien-être.
Pour conclure, les analyses montrent qu’il s’agit d’une approche pertinente pour les personnes en difficulté avec l’alcool et en rupture de soins. L’intégration de cette approche dans les Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) et chez les médecins généralistes faisant partie d’un réseau en addictologie, pourrait contribuer à faciliter la prise en charge classique, augmenter le maintien dans les soins et réduire l’impact de la consommation nocive d’alcool chez les personnes concernées et leur entourage.