L’épidémie VIH reste active en France, comme en témoignent les 6 000 nouveaux cas d’infection par le VIH diagnostiqués en moyenne chaque année depuis 2011. Plusieurs actions ont été engagées pour enrayer cette dynamique de l’épidémie sur le territoire parmi lesquelles le traitement pré-exposition à caractère prophylactique (PrEP), réservé à des populations considérées comme à haut risque de contamination. Nous ne disposons à ce jour d’aucune donnée concernant la proportion de personnes qui auraient pu/dû bénéficier de la PrEP, parmi celles nouvellement infectées depuis la mise en place de ce dispositif en France.
Les facteurs associés aux opportunités manquées de PrEP pourraient s’expliquer par trois types de déterminants : individuels, sociaux et structurels. Les facteurs individuels incluent les facteurs de risques biologiques, démographiques et comportementaux. Parmi les facteurs individuels, nous nous attendons à ce que les personnes nouvellement contaminées n’aient pas reçu la PrEP du fait de la sous-estimation de leurs pratiques à risque, que l’on pourra objectiver par la discordance entre les pratiques rapportées et les risques perçus. Les facteurs sociaux et psychosociaux incluent le contexte culturel, le réseau et l’environnement social. Avoir dans son entourage des personnes infectées par le VIH ou ayant recours à la PrEP serait un facteur social facilitant l’accès à la PrEP. Enfin, les facteurs structurels liés à la proposition de l’offre de PrEP pourraient jouer un rôle : l’accès à la prévention biomédicale au travers de réseaux sensibilisés à la problématique de l’infection par le VIH n’est pas uniformisé géographiquement. Il est ainsi attendu que du fait de la disparité régionale de la disponibilité des Centres Gratuits d'Information, de Dépistage et de Diagnostic (CeGIDD), le recours à la PrEP soit inégalement réparti, la proximité géographique d’un CeGIDD facilitant l’accès au dépistage régulier et le recours à la PrEP. De plus, les personnels de soins, notamment les médecins généralistes sont un lien essentiel à l’éducation de PrEP. Un accès retardé au dispositif PrEP des personnes éligibles pourrait être lié à la méconnaissance ou à des représentations erronées de ce dispositif par les soignants, notamment en médecine de ville.
Il s’agit d’une étude nationale transversale, multicentrique. Après vérification des critères d’éligibilité à l’étude, le patient se verra proposer l’auto-questionnaire sur tablette informatique par le médecin référent. Ce questionnaire permettra d’évaluer de façon rétrospective par rapport à la contamination : leur état de santé et le recours aux soins, leurs préférences sexuelles, leurs pratiques vis-à-vis du dépistage du VIH et à l’utilisation du traitement post-exposition et/ou PrEP et du préservatif, leurs conditions de vie, la connaissance vis-à-vis du dispositif PrEP, les conduites à risques vis-à-vis du VIH et la perception des risques, ainsi que les antécédents d’IST. La proportion de personnes nouvellement diagnostiquées qui répondaient aux critères d’éligibilité à la PrEP avant leur contamination sera déterminée ; des analyses multivariées multi-niveaux seront effectuées pour déterminer les facteurs indépendamment associés aux différents indicateurs d’opportunité manquée de PrEP, parmi lesquels la connaissance du dispositif, la disponibilité des soignants appropriés et la volonté de l’utilisation de la PrEP, en tenant compte des différents centres où sera effectuée la recherche.
Parmi les 636 nouvelles découvertes de séropositivité au VIH entre avril 2019 et octobre 2020, 224 (35%) étaient des infections récentes et les données de 185 patients ont pu être analysées. Une première analyse a pu mettre en évidence que la PrEP était indiquée dans près de 90% des cas. La cascade de prise de PrEP montre deux défaillances majeures : i) une insuffisance d’information délivrée par les soignants et ii) son acceptation chez les patients informés et concernés.
Ces résultats soulignent la nécessité d’étendre la primo-prescription de la PrEP aux médecins de premier recours.
La primo prescription de la PrEP en ville par les médecins généralistes a été autorisée le 1er juin 2021.